Mécanique de la succion lactée, tome 3

Nous avons abordé, dans une causerie précédente, les difficultés inhérentes à la prise de substance lactée par la voie buccalo-lingualo-layettale (voir chapitres précédents). 

Il est temps d'aborder maintenant une étape déterminante du processus : sa fin. 

C'est-à-dire sa conclusion. Car n'allez pas croire que la succion lactée se termine comme ça, sur une porte ouverte. Il y faut un point final, une apothéose, une aria : un rototo. 

Car le rototo libérateur est la seule chose qui retienne le bébé bien né sur le chemin délicieux qui le mène de la quiétude digestive à la sieste roborative. 

Mais ce rototo, encore faut-il le susciter, le réussir, bref : l'apprivoiser. 

Car le rototo est enfant de bohême, il n'a jamais connu de loi. Vous le croyez au bord des lèvres, il fuit au plus loin, ne se laisse pas attraper, glisse entre les doigts. Vous ne l'attendez pas, il vous surgit en pleine face, brutal comme un vent de novembre. Vous pensez l'avoir obtenu, clair et distinct, en un son rauque et définitif : il s'exprime en un chapelet sans fin, où chacun appelle l'autre, pendant de longues minutes. 

Le rototo n'a pas de loi, oui. Mais il a une règle : sans lui, sans sa libre expression, sans sa libération aux quatre vents du ciel, pas de tranquillité, pas de satisfaction : l'angoisse et l'impossible sommeil. L'enfer.

Dieu merci, il vient le plus souvent vite et bien, sonne franchement, et s'envole comme le vent.

Voici, en quelques illustrations, les grandes étapes du cycle rotototalien.

1 - Phase d'attente : le rototo est tapi dans l'ombre, il se fait désirer. Le sujet morfle un peu, mais il est dur à la douleur. 

2 - Phase de libération : le rototo surgit, vif et libérateur. Notez l'expression de ravissement du sujet. 

3 - Phase de détente post-opératoire : le sujet décompresse, il s'achemine vers la sieste. Il est heureux : la vie l'a comblé.